Présentation de la pièce
Pièce pour 15 danseurs, Crowd s’inscrit avec force dans le travail de Gisèle Vienne qui, depuis plusieurs années, ausculte minutieusement notre part d’ombre et notre besoin de violence. Un cheminement qui, faisant fi des disciplines artistiques, rend à la scène toute sa puissance cathartique.
Une expérience sensorielle, visuelle et auditive
Je ne suis pas le plus assidu ni le plus au courant des pièces de théâtre et encore moins lorsque ladite pièce se joue en dehors de Paris mais je ne suis pas déçu d’avoir accepté cette invitation de dernière minute pour aller voir la dernière pièce de Gisèle Vienne au théâtre des amandiers le 15 décembre dernier. Crowd m’a donné envie de m’intéresser bien plus que je ne le fais aux performances sur scène. Durant 1h30 de spectacle, je m’en suis pris plein la vue et l’ouïe. L’expérience vaut le détour. Balancé entre une fascination du mouvement au ralenti des danseurs, une saisissante beauté cinématographique et une irrépressible envie de bouger mon propre corps, je n’ai eu de choix que de me faire embarquer dans cette rave terreuse.
Sur une sélection musicale de Peter Rehberg, le spectacle met le ton dès les premières secondes en associant mouvements au ralenti et musique minimale (ci-dessous). Les rythmes sonores s’enchaînent sur des mouvements tantôt ralentis tantôt saccadés des danseurs. On a envie de faire partie de cette rave et de ce mouvement collectif. Je ne m’y connais pas assez sur ce genre musical pour en parler beaucoup plus mais sur une note sonore personnelle, la bande son m’a fortement donné envie de réécouter des morceaux aux beats similaires dont je suis friand tel que le très bon 16-16-9-20-1-14-9-7 de Factory Floor.
Une chorégraphie immersive
À l’instar de l’expérience que m’a provoqué le spectacle Sleep No More à New York, la multitude d’interactions entre les personnages oblige le spectateur à faire des choix. Suivre un, deux ou trois personnages principaux afin de rentrer dans une relation privilégiée avec ces quelques personnages, rend l’expérience d’autant plus personnelle. Je me suis surpris à plusieurs reprises à m’identifier à un des personnages. Un mouvement, une rencontre « fortuite » avec un/une autre danseur/se, une posture particulière prise pendant les moments où tous les personnages sont figés peuvent faire basculer radicalement cet intérêt d’un personnage à un autre. Cette fluidité d’intérêts maintient une attention décuplée de peur de manquer un élément crucial de la pièce.
La sensualité des corps en mouvement
La jeunesse de la troupe de danseurs m’a surpris et m’a immédiatement fait ressentir une pointe de jalousie: « Moi aussi j’aurai tellement aimé faire partie de cette troupe! » Tout le processus de création m’intrigue. J’imagine bien que chaque geste est millimétré mais y a t-il eu un peu de places pendant les répétitions pour de l’improvisation ou de l’adaptation au physique et surtout la gestuelle personnelle de chaque danseur? Chacun des danseurs m’a à un moment ou un autre hypnotisé. Le rythme atypique au ralenti laisse toute sa place à la sensualité des corps en mouvement. Un secret que les danseurs ont du dompté: Prendre le temps pour prendre conscience de son corps.
L’absence de paroles totale joue également en faveur de cette dimension charnelle en évitant de nous ramener sur terre avec des mots. C’est assez fou d’avoir réussi à faire passer 1h30 aussi rapidement sans un mot prononcé. On ne s’ennuie pas une seule seconde. À chaque nouvelle interaction, une nouvelle intrigue que l’on suit sans se poser de question. La beauté de la mise en scène aide aussi à coups de « qu’est-ce que c’est beau! » Notamment toute la dernière partie où sans trop en dévoiler, on plane complètement. Une pièce à voir absolument et à revoir avec plaisir.
Les prochaines représentations de la pièce: