Le festival Premiers Plans d’Angers 2018
Depuis 2014, le festival Premiers Plans d’Angers est mon rendez-vous cinéma du début d’année. Cela fait déjà 4 ans que j’arpente les rues d’Angers entre le Palais des Congrès, le Multiplexe et évidemment le Dublin’s. Le festival a investi cette année la ville d’Angers du 12 au 21 janvier et ce fut comme à chaque fois un grand plaisir de découvrir des premiers films (français et européens) en avant-première. Ainsi que de visionner des films plus anciens que l’on avait toujours voulu voir mais qu’on ne prend pas le temps de voir. Le festival permet de prendre ce temps si convoité. Chaque année, des rétrospectives sont présentés avec des petites perles que l’on prend plaisir à voir sur grand écran. Pedro Almodóvar, Agnès Varda, Drôles de famille, les Monty Python, Kornél Mundrozcó et Serge Bozon ont fait l’objet de ces rétrospectives cette année.
Mon programme de cette année
– la séance en compétition du longs métrages français Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico
– le programmes 1 en compétition des courts métrages français
– le programmes 1 en compétition des courts métrages européens
– la rétrospective Drôles de famille avec À nos amours de Maurice Pialat
– la rétrospective Kornél Mundrozcó avec White God
– la rétrospective Serge Bozon avec Tip Top
La suite de de cet article se concentrera sur le film Les Garçons sauvages qui a été mon gros coup de coeur de cette 30ème édition. Un autre article sur le programme de courts métrages français suivra avec mon ressenti sur les deux perles que sont les films Pourquoi j’ai écrit la bible de Alexandre Steiger et surtout Déter de Vincent Weber (ci-dessus).
Sur une note un peu plus festive, mes acolytes (alcooliques) ex-festival Silhouette et moi prenons chaque année bien plaisir à profiter à fond de ces quelques jours peu importe l’état déplorable de nos portefeuilles respectifs en cette période post dépenses de Noël. Les 4 lurons que nous avons été cette année, avons bien profité de tout ce que pouvait offrir la ville d’Angers avec une première soirée angevine « chez l’habitant » qui s’est fini vers 3h de matin (il me semble…): une excellente mauvaise idée avant même d’avoir récupérer nos accréditations et vu notre premier film. S’en sont suivis les traditionnels dîners chez Corléone et chez le japonais de la rue des Poeliers quand tout Angers est fermé un dimanche soir et évidemment les pintes au Dublin’s avec cette année la surprise de voir Serge Bozon aux platines pour un dj set rock psyché des 60s et 70s.
Pour résumer, cette 30ème édition du festival Premier Plans d’Angers fût un très bon cru. De belles découvertes ciné et une ambiance toujours bon enfant d’aficionados.
Les Garçons sauvages
Synopsis
Début du vingtième siècle, cinq adolescents de bonne famille épris de liberté commettent un crime sauvage. Ils sont repris en main par le Capitaine, le temps d’une croisière répressive sur un voilier. Les garçons se mutinent. Ils échouent sur une île sauvage où se mêlent plaisir et végétation luxuriante. La métamorphose peut commencer…
Une ambition lubrique esthétique
Il est de ces films expérimentaux où la beauté des plans et la force du sujet surpassent sa forme « atypique ». Les Garçons sauvages fait partie de ces films. Intriguant, irrévérencieux, engagé, osé, trash: moult adjectifs pourraient qualifier ce film mais ce qui le caractérise le plus c’est son audace. Le film ne s’excuse de rien et va au bout de son ambition lubrique. C’est comme si on avait lâché les rênes et que le dieu Dionysos en avait pris le contrôle, à la différence que le vin est ici remplacé par le nectar de plantes phalliques. Une esthétique et une mise en scène dans l’excès et la surabondance qui donnent beaucoup à manger visuellement. La scène du procès est magistrale par son effet de surprise. On ne remarque pas au début du plan qu’il s’agit en fait d’une surimpression des garçons sauvages vs. le juge. L’effet est très réussi et le fait que la scène ait été pensé et tourné ainsi sans post-production nous ramène avec plaisir à un cinéma « bricolé » sans que des milliers d’euros ne soient dépensés dans les effets spéciaux. Des références qui font plaisir à voir furtivement comme l’hommage fait à Querelle de Rainer Werner Fassbinder dont l’affiche iconique revient tout de suite en mémoire lorsqu’une bite d’amarrage identique apparaît.
Tout est possible
« Cette île est une huître et j’en suis la perle », c’est avec ces quelques mots prononcés par Elina Löwensohn que je suis complètement entré dans l’univers du film. C’est le moment où le factuel et la science n’ont plus du tout d’emprise sur le spectateur car oui, l’île est une huître et oui, cette femme est une perle. Pourquoi pas? On ne discute plus de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas. Tout est possible. Avec ce dialogue, Bertrand Mandico peut nous faire avaler n’importe quelle pilule: tiens, un pénis qui tombe, tiens, un sein qui pousse, tiens, une scène de phytophilie. Une aventure à la Jules Verne pervertie.
Un casting féminin badass
Une des premières choses qui m’a donné envie de voir ce film est son titre associé à ce casting féminin. En regardant l’une des premières images diffusées, je n’arrivai pas à croire que c’était exclusivement des actrices et non des acteurs. Toutes les actrices font un travail impressionnant dans leur masculinisation: pas de barbes superflus mais des cheveux courts et des attitudes. Le casting est superbe. Cela fait plaisir de retrouver le visage familier de Elina Löwensohn que l’on a l’habitude de voir lorsque l’on suit comme moi le travail de Bertrand Mandico. Je suis ce réalisateur depuis ses courts métrages Boro in the Box et Living Still Life que j’avais découvert dans le cadre de la programmation du festival Silhouette. Son univers m’a toujours intrigué et titillé. Je m’étais imaginé un homme complètement fou à l’origine de ces œuvres: un peu dépressif, incohérent et d’une grande perversité. Un débat avec le réalisateur a suivi la projection et je dois dire que je m’étais fait beaucoup de film sur sa personne :p.
Des choix chromatiques assumés
Curieux de savoir pourquoi avoir choisi parfois le noir et blanc, parfois la couleur, je demande à Bertrand Mandico les raisons de cette alternance chromatique. Le choix du noir et blanc était évident dès le départ pour uniformiser le contraste des scènes qui se passent en extérieur et des scènes filmées en studio. Le besoin de mettre de la couleur dans certaines scènes importante est une forme de ponctuation dans le récit. Il cite d’ailleurs les réalisateurs Koji Wakamatsu et Samuel Fuller dans l’illustration de ce procédé. Il voit son film comme un arbre noir avec des fruits colorés.
Les Garçons sauvages est un film atypique dans ses audaces formelles et scénaristiques. C’est un moment de plaisir sans limites. C’est un élan de liberté artistique. C’est un voyage fantastique désinhibé. Mais c’est surtout un film à voir au cinéma avant qu’il ne disparaisse des grands écrans!
Sortie le 28 février 2018.