L’histoire: Saiva, une femme courageuse, et Anja, sa fille adoptive, vivent dans des terres isolées de toute civilisation où elles estiment être en sécurité. Saiva est la seule survivante du massacre d’une tribu d’indigènes éleveurs de rennes, par une troupe de soldats "pacificateurs". Saiva et Anja luttent pour survivre, se nourrissant des rares proies qu’elles parviennent à attraper. Un jour, en plein milieu de cette beauté rude et désolée, un homme à bout de forces apparaît à l’horizon. Malgré sa peur et ses doutes, Saiva recueille cet homme. C’est Loki, un déserteur. Loki se remet doucement, entre ces deux femmes, alors que la neige annonce déjà un hiver long et sombre. Mais, très vite, Saiva et Anja commencent à se disputer ses faveurs…
Far North est un film d’une beauté glaciale. Bien évidemment, je fais référence au paysage du film, ce dernier ayant été tourné près du village réputé comme étant le plus proche du Pôle Nord mais également de façon surprenante à l’intrigue du film inspirée par une nouvelle de Sara Maitland, "True North". Dans ce décor presque surréaliste, l’histoire démarre comme un conte dont le dénouement est d’ores et déjà annoncé comme étant terrible. En effet, le personnage principal, Saiva, interprété par Michelle Yeoh est maudit. "À ma naissance, le chaman a eu une vision en regardant mon visage. Il a dit qu’une malédiction était sur moi. Il a dit que je porterai malheur à quiconque serait assez fou pour m’approcher." C’est avec ces paroles là que le film commence. Une prophétie qui ne s’accomplira qu’à la toute fin du film. Une fin hallucinante et terrifiante. Tout au long du film, Asif Kapadia fait planer le doute sur la suite. Et jusqu’à la dernière minute, on ne sait pas ce qu’il se passera. Une musique minimaliste, une héroïne insaisissable, telles sont les ingrédients de ce drame qui manie parfaitement le suspense et le mystère.
Quant aux thèmes abordés, comme on aurait pu s’y attendre dans ces terres éloignées de tout, Far North traite la question de l’isolement et du besoin de contact humain. Malgré une fuite du monde des hommes, les désirs et l’envie restent intacts. Et même si ces derniers restent quelque temps enfouis en chacune des deux femmes, il aura suffi l’arrivée de Loki, interprété par Sean Bean, pour les faire ressurgir. Une citation de Plutarque (De l’envie et de la haine) résume magnifiquement bien la problématique: "L’envie n’est jamais produite par un sentiment de justice: car celui qui est heureux ne fait de tort à personne, et c’est pourtant son bonheur qui excite l’envie. La haine, au contraire, est souvent légitime." La haine est-elle réellement plus légitime que l’envie? Rien n’est moins sur avec ce film.
5 salles en France dont seulement 1 à Paris…. On se retrouve obligé de voir le film sur un écran de taille modeste au lieu de pouvoir apprécier sur grand écran les magnifiques paysages polaires. Ne vous laissez surtout pas intimider par la très petite distribution française, elle n’a absolument aucun rapport avec la qualité du film. Allez-y pendant le printemps du cinéma (malheureusement probablement la seule période où le film sera projeté), vous ne serez pas déçus!