L’histoire: Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 19 ans. D’emblée, il tombe sous la coupe d’un groupe de prisonniers corses qui fait régner sa loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des " missions ", il s’endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau…
Le grand risque lorsqu’on va voir un film qui a déjà été récompensé est d’en attendre beaucoup pour finalement être déçu. Un prophète, le dernier film de Jacques Audiard récompensé du Grand prix au festival de Cannes surpasse largement cette crainte de déception. J’ai complètement été pris par cette histoire. Qui aurait pensé quon se réjouirait un jour de la sortie de prison dun grand caïd? En effet, le film raconte comment un jeune délinquant se retrouve on ne sait pas trop comment en prison et devient peu à peu à la tête de son propre réseau. À travers les connaissances, les ennemies et les alliances quil se fait, il apprend un métier. Un métier à risque mais un métier dans lequel il se surprend à être très bon. C’est une sorte d’intelligente descente aux enfers d’un personnage qui était perdu et qu’on oblige à se trouver. Ce destin forcé qui devrait nous déranger par sa brutalité nous attendrit au final. Et le sentiment que ce destin est inévitable est renforcé par les quelques visions de ce "prophète". Des visions qui l’amènent inexorablement vers cette nouvelle vie. Si c’est pas une intrigue mené de main de maître ça, je ne m’y connais pas!
La première crainte pour moi en allant voir ce film a été de tomber dans un mauvais stéréotype dune guerre de gangs au sein de la prison ou de trocs de savon contre des cigarettes. Le gros cliché pénitentiaire en fait. Et bien ce film est tourné et interprété de façon tellement réaliste que bien que ces deux éléments, les gangs ou plutôt communautés et les trocs, soient effectivement présents, ils passent comme une lettre à la Poste. Le sujet est tellement bien traité quon ne peut pas faire autrement que dy croire. La réalisation atteint un très haut niveau. Dès les premiers plans, on croit reconnaitre une métaphore du trou (la prison) avec cette obscurité et ces taches de lumières qui nous font qu’entrevoir le héros qui montrent tout l’effort dans la réalisation entrepris. Un effort qu’on retrouve de temps en temps de façon plus ou moins intense pendant le film. Et je trouve d’ailleurs que pour une fois, la bande annonce retranscrit parfaitement l’ambiance du film.
Je ne vais pas en rajouter sur la performance de Tahar Rahim qui a déjà été applaudie un peu partout. Je dirai simplement que l’attendrissement qu’on ressent pour le personnage dont j’ai parlé précédemment est très largement du à cet acteur et son incroyable subtilité dans son jeu. Il dégage une telle sincérité qu’on aura du mal après ce film de le voir dans la peau d’un autre personnage. Sinon, il est vrai que le film est assez long à digérer: plus de deux heures et demie. Seulement, il ne faut pas en avoir peur car il en vaut vraiment la peine. Il ne faut surtout pas hésiter à le voir. C’est une vraie leçon de cinéma sur le fait que n’importe quel sujet, même s’il semble déjà avoir été traité sous toutes les coutures, quand il est bien traité peut encore impressionner et passionner le public. Il suffit, et quand je dis il suffit cela semble simple mais c’est loin d’être le cas, d’être sincère dans la réalisation et l’interprétation avec le sujet. Et de la sincérité, il n’en manque pas dans Un prophète.